Programme DE SALLE
LA FORCE DE L'AMOUR
Dimanche 11 mai · 16h00
Salle Gaveau

PROGRAMME
Camille SAINT-SAËNS
La Cloche (mélodie)
Souvenances* (mélodie)
Danse macabre (poème symphonique)
L’INVITATION AU VOYAGE 1
Oeuvre mystère à découvrir lors de ce concert
Tristan et Iseult – Prelude et Libestod
L’INVITATION AU VOYAGE 2
Oeuvre mystère à découvrir lors de ce concert
PRÉSENTATION
Richard Wagner
Le 9 août 1857, Wagner range dans un tiroir le Siegfried qu’il est en train d’écrire. Le 1er acte est déjà entièrement composé, et Wagner vient d’entamer le second. Mais là… soudainement… le compositeur pose la plume. Dans ce tiroir, Siegfried attendra 12 années avant de revoir le jour et d’être achevé.
Pourquoi Wagner a-t-il éprouvé ce besoin de s’interrompre ? Besoin de s’aérer l’esprit avec d’autres univers ? Lassitude de vivre avec une Tétralogie qui accapare toutes ses forces créatrices depuis environ 10 ans ? Peur de s’enfermer dans une écriture qui aurait perdu sa fraicheur et son inventivité ?
C’est un peu tout cela à la fois. Mais pas uniquement.
Les premières ébauches de la Tétralogie datent de l’automne 1848. A cette époque, il n’était d’ailleurs pas question d’une tétralogie : Wagner projetait d’écrire un opéra (un seul), lequel aurait eu pour sujet (et pour titre) la mort de Siegfried. Il pousse ses réflexions jusqu’à rédiger un livret (comprenant 3 actes) qu’il fait lire à quelques-uns de ses amis. La réaction de ces lecteurs fut globalement positive mais se doubla, pourtant, d’une interrogation : se focaliser sur l’épisode de la mort de Siegfried suppose que le public ait une parfaite connaissance de la mythologie nordique et des légendes celtiques. Mais… est-ce le cas ? Le public sait-il que Siegfried a (involontairement) trahi l’amour de Brünnhilde (ce qui donne à Hagen un fallacieux prétexte pour l’assassiner) ? Le public sait-il que Hagen est le fils d’un nommé Alberich, lequel a jadis volé l’or du Rhin pour en forger un anneau de toute puissance ? Sait-il que cet anneau fut volé par Wotan (dont Brünnhilde est l’une des filles chéries) ? Que toute cette histoire n’est en réalité qu’une entreprise de vengeance qui domine les générations ? Et qui est Wotan ? Quels sont les parents de Siegfried ? Etc… Etc…
Sensible à ces interrogations, Wagner se résout à écrire un second opéra (qui serait intitulé « La jeunesse de Siegfried »), lequel viendrait en prologue de « La Mort de Siegfried » pour exposer les événements menant à l’assassinat du héros. Mais… les péripéties étaient trop nombreuses et trop imbriquées pour se contenter d’un simple diptyque. Ainsi, peu à peu, naquit l’idée d’une tétralogie :
1/ L’Or du Rhin (exposant les personnages, le vol de l’or par Alberich, puis le vol de l’anneau par Wotan)
2/ La Walkyrie (dévoilant les parents de Siegfried, puis la transformation de Brünnhilde qui abandonne sa nature de walkyrie pour devenir une simple humaine)
3/ Siegfried (mettant en scène l’union de Brünnhilde et de Siegfried)
4/ Le Crépuscule des Dieux (qui correspond à peu près au projet originel de « La Mort de Siegfried »).
En août 1857, donc, L’Or du Rhin et La Walkyrie sont totalement achevés (texte et musique). Siegfried est en cours de composition. Et c’est là que Wagner ressent le besoin de faire une pause. Il faut dire que cela fait 10 ans que le compositeur vit en compagnie des dieux du Walhalla, 10 années dont les premières ne furent que tâtonnements et ébauches successives pour finalement envisager le projet insensé d’une tétralogie… On comprend que le compositeur ait ressenti un besoin de prendre du recul. Mais là n’est pas la seule explication : Wagner redoutait d’affronter le 3ème acte de son Siegfried, lequel n’est qu’un immense duo d’amour entre les deux personnages principaux. La longueur, la densité de ce duo, ainsi que les différents états psychologiques qui le ponctuent, obligeaient le compositeur à une qualité d’écriture qui a pu engendrer une certaine appréhension.
Ainsi, pour se préparer à un tel défi, Wagner décida de refermer (momentanément) son manuscrit pour… se jeter à corps perdu dans un autre duo d’amour (celui qui unit Tristan à Isolde) !
Il ne faut pas s’imaginer que le vieux mythe de Tristan a pu surgir d’un seul coup dans la vie de Wagner (l’incitant à délaisser Siegfried). Wagner pensait déjà à Tristan lorsqu’il composait La Walkyrie (on connait une lettre adressée à Franz Liszt, datée de 1854, dans laquelle le compositeur parle déjà de Tristan et Isolde). D’ailleurs, il ne faut pas s’imaginer non plus que les opéras de Wagner s’enchainent selon une chronologie habituelle. Certes, il existe toujours une date d’achèvement (et de création). Mais s’interroge-t-on sur les prémices ?
Tristan et Isolde sera achevé en 1859. Suivront Les Maîtres-chanteurs de Nuremberg (terminés en octobre 1867) dont les premières esquisses remontent à… 1845 (soit 3 ans avant d’entamer la lente élaboration de la Tétralogie, initiée par le projet sur la Mort de Siegfried). De 1845 datent également les premières esquisses de Lohengrin. En 1857, Wagner interrompt donc son Siegfried et commence à composer Tristan ; mais c’est aussi l’année où il rédige la première ébauche du livret de Parsifal (ultime opéra qui sera terminé en janvier 1882). Comme on le voit, les œuvres ne se succèdent pas dans l’esprit de Wagner : elles cohabitent ensemble durant de nombreuses années. Ceci a un double effet : d’une part, d’une œuvre à l’autre, on remarque une unité de style assez impressionnante (certains passages de Tristan pourraient sans souci être intégrés au Ring). Par ailleurs, plusieurs œuvres étant mûries en même temps, la maitrise d’écriture acquise sur tel opéra rejaillit instantanément sur tel autre. C’était d’ailleurs le but avoué de Wagner lorsqu’il interrompit son Ring : que l’amour transcendé de Tristan et d’Isolde lui donne l’audace d’aborder le réveil de Brünnhilde et son union avec Siegfried.
Tristan aborde deux thématiques qui seront essentielles dans les 2 dernières journées du Ring :
– l’amour vécu comme une extase pure et transcendée (Tristan/Isolde en regard de Brünnhilde/Siegfried)
– le philtre d’amour (que Brangäne prépare à l’intention de Tristan et de Isolde ; philtre d’amour, doublé d’un philtre d’oubli, que Hagen fera boire à Siegfried).
Parvenu au terme de Tristan, en 1859, Wagner se sentira prêt à reprendre son Ring (pour l’amener à sa grandiose conclusion). Mais avant de se replonger dans Siegfried, le compositeur s’autorisera une parenthèse d’humeur joyeuse en composant les Maîtres-chanteurs.
On a beaucoup souligné l’écriture novatrice de Tristan, conçue comme un arc harmonique en perpétuelle évolution. En exemple, dès la 3ème mesure du Prélude, un accord d’une instabilité jamais entendue auparavant suscita de profondes interrogations. Certains commentateurs iront même jusqu’à considérer cet accord comme le point de départ de la révolution dodécaphonique opérée par la Nouvelle Ecole de Vienne :
Dans le livret qui accompagne le (sublime) enregistrement dirigé par Furtwängler (EMI 1952), Richard Osborne résume à merveille la situation : « La première représentation de Tristan und Isolde, le 10 juin 1865 à Munich, scella l’émancipation de la dissonance et ouvrit grand les portes du chromatisme. Néanmoins, ainsi que Furtwängler le fit observer inlassablement, Wagner ne poursuivit pas la révolution qu’il avait initiée (son prochain opéra serait Die Meistersinger), pas plus qu’il ne semble avoir eu clairement conscience, à travers l’écriture de Tristan und Isolde, de bouleverser la nature de la musique occidentale. »
Tout est dit.
En conclusion, que dire d’autre ? Juste 3 petites choses :
– Durant la composition de Tristan, Wagner était gracieusement hébergé par un riche admirateur (Otto Wesendonck) dont la femme – Mathilde – suscita chez le compositeur une brûlante passion amoureuse (Wagner était assez doué pour s’éprendre des femmes mariées. Mariées à des amis, tant qu’à faire…). Cette passion a certainement nourri l’écriture enflammée de l’ouvrage. C’est d’ailleurs de cette époque que datent les Wesendonck-Lieder, cycle de 5 lieder sur des poèmes de Mathilde Wesendonck (dont deux contiennent des éléments thématiques que l’on retrouve dans Tristan).
– La découverte des écrits de Schopenhauer (en particulier Le Monde comme Volonté et Représentation) a également influencé Wagner (dans sa perception du désir, porté à un tel degré d’idéalisation qu’il en devient irréalisable). Il ne faut pas négliger l’influence de Berlioz aussi, principalement son Roméo et Juliette : le prélude de Tristan est directement issu de l’épisode « Roméo seul ».
– Enfin, il est d’usage de donner en concert certains extraits des opéras (ouvertures, Chevauchée des Walkyries, Voyage de Siegfried sur le Rhin, etc…). S’agissant de Tristan, on associe toujours le Prélude à la Mort d’Isolde, soit l’amorce orchestrale de l’opéra enchainée à la conclusion de l’ouvrage (où – enfin – se résout le fameux « accord de Tristan ») : Wagner avait lui-même autorisé cet assemblage.
Beaucoup de très belles versions (purement orchestrales) ont été gravées : Furtwängler (avec le Berliner Philharmoniker – EMI 1938), Otto Klemperer (EMI), Herbert von Karajan (avec le Berliner Philharmoniker – EMI et DG), Claudio Abbado (DG), et quelques autres.
Si l’on tient à une version chantée de la mort d’Isolde (ce qui, après tout, demeure l’option la plus cohérente), on se tournera vers un sublime témoignage enregistré en live et publié par DG, lequel réunissait en 1987 Jessye Norman et Herbert von Karajan à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Vienne. Jessye Norman avait déjà gravé la mort d’Isolde en compagnie de Sir Colin Davis (chez Philips, 10 ans auparavant), mais ce qu’elle réalise en ce mois d’août 1987 avec Karajan tient du sublime ! On n’a pas vraiment fait mieux depuis.
Richard Wagner Wagner : Prélude & Mort d’Isolde (Jessye Norman, Herbert von Karajan – DG)
L’amour wagnérien – pur, empreint d’une transcendance extatique – n’a rien à voir avec les débordements de la passion tchaïkovskienne. Il en est même l’opposé. Lorsque Tatiana exprime sa folle passion d’adolescente à Oneguine, son amour n’a rien de mythique (encore moins de mystique) : c’est une simple passion humaine, dévorante certes, mais semblable à l’exaltation que peut éprouver n’importe quelle jeune fille (russe, de surcroit). Les sentiments qui unissent Lenski à Olga reflètent également un amour à hauteur d’homme. Lorsque Tatiana épousera le Prince Gremine, nous décelons un amour « raisonnable » (et raisonné) : il n’en est pas moins sincère, et sûrement plus profond que la passion éprouvée jadis pour Oneguine, mais jamais l’élévation sublime ne vient transcender les sentiments.
A ceci s’ajoute une donnée qui, elle, renvoie au surnaturel : le Fatum, le poids écrasant du Destin (de la Fatalité) qui ravale l’être humain au rang de « pauvre » victime. Le russe s’auto-persuade qu’il est une victime éternelle, irresponsable de ses actes comme de sa vie (même le peu sympathique et prétentieux Oneguine, pourtant artisan de son propre malheur, se disculpe de ses responsabilités en invoquant les méfaits d’une cruelle destinée…). Tchaïkovsky, en qui les russes se reconnaissent volontiers, émaille son œuvre entière de cette obsession du Fatum : Eugen Onegin (bien-sûr), La Dame de Pique, ses 3 dernières symphonies (la 4ème en particulier), Le Lac des Cygnes, ou son poème symphonique Roméo et Juliette (basé sur la pièce de Shakespeare).
Roméo et Juliette est, pour Tchaïkovsky, une manière de sujet idéal : 2 familles qui s’opposent et que rien ne semble pouvoir réconcilier, 2 jeunes adolescents qui s’aiment d’un amour éperdu (portant la marque du coup de foudre, donc de la Destinée) mais condamné d’avance par l’opposition des 2 familles (encore le poids du Destin). Certes, le sujet de base n’est pas né sous la plume du compositeur russe (puisque Shakespeare était anglais), mais il est intéressant de se pencher sur la façon dont ce sujet a pu être traité selon tel ou tel compositeur :
– Gounod se plait à magnifier le faste et la splendeur de Vérone, tout en s’attardant sur la tendresse que les deux jeunes gens éprouvent l’un pour l’autre.
– Berlioz est davantage attiré par la fresque héroïque du sujet, ainsi que par l’éveil des consciences que vient abondamment nourrir le sermon du Frère Laurence (où la notion de pardon tient une place prépondérante).
– Bernstein, lui, conçoit la trame narrative sous un angle social, développant (pour mieux la critiquer) la bêtise des ravages que peut engendrer le racisme (West Side est le nom d’un quartier de New York). Affleure aussi l’espérance d’une terre promise lorsque résonne le fameux « Somewhere » (There’s a place for us, Somewhere a place for us, Peace and quiet and open air wait for us somewhere…).
– Prokofiev, autre compositeur russe à s’être intéressé à ce mythe, déroule une musique à la fois envoûtante et lapidaire. Les épisodes s’enchainent avec la verticalité (et le tranchant) d’une lame de couteau, ce qui – par contraste – exalte l’immense sensualité de l’écriture. La partition est sublime.
– Enfin, les amoureux du théâtre dit « de boulevard » se souviendront peut-être d’une pièce de Françoise Dorin – L’Etiquette, créée par Jean Piat – où la jeune fille du couple Montardu tombe amoureuse du fils de la famille Caporet… Au-delà du caractère divertissant de la pièce (c’est une comédie), Françoise Dorin pointe du doigt la bêtise d’accoler une étiquette (un jugement hâtif) sur les personnes qui nous entourent.
A travers ce tour d’horizon, on constate que la pièce de Shakespeare a engendré une foule de lectures variées (on aurait pu également explorer les transpositions cinématographiques). Par contre, seul Tchaïkovsky y a insufflé son obsession du Fatum : l’amour et les êtres humains ne sont que des jouets brisés entre les mains d’un nuisible Destin. La partition, de 18 minutes environ, expose les événements majeurs du drame : on y trouve des scènes de combat (orchestration rutilante !), l’amour échevelé des 2 héros, et naturellement la mort en tragique et inéluctable conclusion.
La création eut lieu à Moscou, en mars 1870, sous la direction de Nicolaï Rubinstein. Considérablement applaudie par le public, l’œuvre est en outre l’une des préférées de son auteur.
Là encore, beaucoup de beaux enregistrements s’offrent à votre gourmandise. Parmi ceux-ci, je retiendrai la version que le jeune Seiji Ozawa avait gravée à San Francisco en 1972 (DG) : une déflagration exacerbée !
Tchaïkovsky : Romeo & Juliet (Seiji Ozawa, San Francisco Symphony Orchestra – DG)
Cinq partitions (seulement) ont pu assurer à Camille Saint-Saëns une notoriété mondiale : 1 opéra (Samson & Dalila, où Samson voit la sincérité de son amour trahie), 1 symphonie (la 3ème), 1 concerto (le 3ème pour violon), 1 poème symphonique (Danse macabre), et 1 œuvre de musique de chambre (le Carnaval des Animaux).
Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que Saint-Saëns s’est également penché sur la mélodie. Parmi les 35 mélodies (environ) qu’il nous laisse, nous entendons aujourd’hui La Cloche (composée en 1855 sur un poème de Victor Hugo), et Souvenances (1858, poème de Ferdinand Lemaire).
On aurait tort de négliger la production mélodique de Saint-Saëns : elle est certes assez restreinte, et trop peu fréquentée encore aujourd’hui, mais elle tisse un arc qui permet de comprendre le chemin parcouru depuis les Nuits d’été de Berlioz (véritable page fondatrice, de 1841) jusqu’à l’effervescence créatrice illuminant la fin du 19ème siècle (Reynaldo Hahn, Duparc, Fauré, Chausson, bientôt suivis par Debussy, Ravel, et allons jusqu’à Poulenc).
Gounod et Massenet ont également cédé à l’envie d’écrire des mélodies (étant parfois plus proche de la romance que de la mélodie), mais c’est Saint-Saëns qui se pose en véritable continuateur de Berlioz, ouvrant la voie à des plumes aristocratiques telles que celles de Fauré ou Duparc. Chez Saint-Saëns, on admire la finesse d’écriture, l’élégance des lignes, et l’attention portée aux atmosphères qui viennent épouser le mot pour en décupler l’étendue poétique (voire le sous-entendu symbolique).
Ignorées par le disque jusqu’à une période assez récente, les mélodies de Saint-Saëns se sont vues honorées par un enregistrement (datant de 2017) à marquer d’une pierre blanche : Yann Beuron et Tassis Christoyannis, soutenus par Markus Poschner à la tête de l’Orchestra della Svizzera Italiana, offrent un panorama particulièrement sensible au travers de 19 mélodies.
Saint-Saëns : 19 mélodies avec orchestre (Yann Beuron & Tassis Christoyannis – Alpha)
La Danse macabre, poème symphonique composé en 1874, dans le sillage de l’esthétique lisztienne (Franz Liszt est l’inventeur du poème symphonique), est en réalité issue d’une mélodie éponyme écrite 2 ans auparavant. Cette mélodie s’appuyait sur un délicieux poème de Henri Cazalis, lequel affichait un bel esprit satirique :
Zig et zig et zig, la mort en cadence
Frappant une tombe avec son talon,
La mort à minuit joue un air de danse,
Zig et zig et zag, sur son violon.
Le vent d’hiver souffle, et la nuit est sombre,
Des gémissements sortent des tilleuls ;
Les squelettes blancs vont à travers l’ombre
Courant et sautant sous leurs grands linceuls,
Zig et zig et zig, chacun se trémousse,
On entend claquer les os des danseurs,
Un couple lascif s’assoit sur la mousse
Comme pour goûter d’anciennes douceurs.
Zig et zig et zag, la mort continue
De racler sans fin son aigre instrument.
Un voile est tombé ! La danseuse est nue !
Son danseur la serre amoureusement.
La dame est, dit-on, marquise ou baronne.
Et le vert galant un pauvre charron —
Horreur ! Et voilà qu’elle s’abandonne
Comme si le rustre était un baron !
Zig et zig et zig, quelle sarabande !
Quels cercles de morts se donnant la main !
Zig et zig et zag, on voit dans la bande
Le roi gambader auprès du vilain !
Mais psit ! Tout à coup on quitte la ronde,
On se pousse, on fuit, le coq a chanté
Oh ! La belle nuit pour le pauvre monde !
Et vivent la mort et l’égalité !
Le poème symphonique de 1874 reprend, épisode par épisode, les thèmes musicaux et la trame narrative de la mélodie. L’orchestration, étincelante, fine et aérée (comme toujours chez Saint-Saëns), surprit le public par l’emploi du xylophone (instrument inusité à cette époque au sein d’un orchestre symphonique). Mais… quelle trouvaille pour symboliser les os des squelettes en train de s’entrechoquer !
La création fut assurée par l’Orchestre Colonne, le 24 janvier 1875, au Théâtre du Châtelet. Les critiques furent mitigés (disons désarçonnés). Le public, par contre, se montra conquis ! Edouard Colonne dut même bisser l’œuvre…
Il existe un bel enregistrement gravé par l’Orchestre Colonne en 1960, dirigé par Pierre Dervaux et publié par EMI :
Danse macabre + Boléro + L’Apprenti Sorcier… (Pierre Dervaux et l’Orchestre Colonne – EMI)
Pour ouvrir les festivités, nous avons la chance d’assister à une création mondiale ! Evidemment, aucun enregistrement n’existe, puisque nous sommes les premiers auditeurs. Alors, à quoi ressemble cette œuvre ?
Alexandre Manoukian la décrit ainsi :
« Aristeides et Lyra est un poème symphonique écrit comme la musique d’une scène de film, suivant de près le déroulement d’une histoire inspirée de la mythologie grecque. Elle raconte la quête d’Aristeides, prêt à tout pour retrouver l’âme de son amante Lyra, enlevée par Hadès et emmenée dans les enfers.
L’aventure débute avec la descente d’Aristeides dans le monde souterrain. L’ambiance y est lugubre et mystérieuse ; on le suit pas à pas, hésitant.
D’abord victime de son environnement hostile, il rassemble son courage et s’avance vers la rivière Styx où flotte l’âme de Lyra. Après un chemin difficile, il atteint enfin la rive. A ce moment, surgit le thème amoureux, marquant une réflexion intérieure sur Lyra. Aristeides se ressaisit, se précipite vers la rivière, y voit l’âme de sa bien-aimée et approche sa main… Mais soudain, il s’arrête brusquement.
Des cris stridents éclatent : les Érynies, servantes d’Hadès, surgissent. Une course-poursuite effrénée commence ; Aristeides esquive, se bat, cherche un refuge. Il se cache dans une crevasse, croyant être en sécurité. Mais c’est un piège : les Érynies l’ont conduit devant Hadès lui-même. Face au dieu des enfers, Aristeides, dans un élan de folie et de désespoir, propose d’échanger sa propre vie contre celle de Lyra. Hadès, amusé, ou peut-être ému, accepte sans hésiter.
Aussitôt, le monde souterrain s’anime : la terre tremble, l’air se charge de tensions. Sous les yeux d’Aristeides, Hadès fait surgir des ténèbres le corps sans vie de Lyra. Son âme, jusque-là suspendue dans les limbes, traverse lentement l’espace, guidée par une force mystérieuse, pour regagner son corps. Dans un moment suspendu, Lyra ouvre enfin les yeux, ramenée à la vie par l’acte d’amour et de sacrifice de son amant.
Aristeides se précipite vers elle, et les deux amants se jettent dans les bras l’un de l’autre, submergés par l’émotion. Leur bonheur semble total, mais Aristeides, la gorge serrée, révèle la vérité : c’est en échange de sa propre vie qu’il a obtenu le retour de sa bien-aimée. Lyra refuse d’abord d’y croire, s’effondre en larmes, tentant de le retenir. Mais Aristeides, déterminé, la supplie de fuir, de vivre pleinement pour honorer leur amour et le prix qu’il a payé. Dans un dernier regard, il lui transmet toute son affection avant de la voir disparaître, laissant derrière lui un amour immortel. »
Toujours la force de l’Amour…
Jean-Noël Ferrel
Suivant le souhait de Marc Korovitch, notre Directeur Musical, a instauré la saison passée une nouvelle séquence dénommée « Invitation au voyage ». Il s’agit d’inviter le public à venir découvrir une page peu connue, choisie avec soin mais dont l’identité sera tenue secrète, comme une manière de placer l’auditeur en état de réceptivité totale (à l’image d’une écoute en aveugle).
Naturellement, à l’issue du concert, le nom de l’œuvre et son compositeur seront révélés.
L’Invitation au Voyage :
MARX · Hat dich die Liebe
REFICE · Ombra di Nube
BIOGRAPHIES
Né en 1987, Marc Korovitch a étudié à la Sorbonne, à l’École Normale de Musique de Paris et à la Haute École de Musique de Genève. Il travaille avec Denis Rouger, Celso Antunes, Michael Gläser, Dominique Rouits et Colin Metters.
Il est régulièrement invité par différents chœurs : Accentus, le Chœur de Radio France, le SWR Vokalensemble Stuttgart, le Chœur de la Radio Croate, le NDR chor, le SWR Vokalensemble, le Europa Chor Akademie, le WDR Chor, les English Voices, le Chœur de la Communauté de Madrid, le Chœur de la Radio Serbe, le Chœur de Chambre Eric Ericson et le Chœur de la Radio Hollandaise.
Il est le plus jeune chef à avoir dirigé le Concerto Köln en Allemagne et en tournée en Italie et Pologne. Il dirige l’Orchestre de chambre de La Haye, l’Orchestre baroque de Zagreb, le Berliner Sinfonietta, l’Orchestre de la Radio Croate, l’Orchestre National de Montpellier ou encore l’Orchestre de la Radio et Télévision Espagnole RTVE.
Il collabore avec des chefs tels que Sir S. Rattle, H. Blomstedt, K. Mäkelä, D. Harding, L. Shani, G. Dudamel, A. Gilbert, P. Jordan, L. Langrée, L.G. Alarcon, L. Equilbey, E. P. Salonen, J. van Zweden… dans des salles comme la Philharmonie de Paris, Theater an der Wien, Elbphilharmonie de Hambourg, Lincoln Center de New York, Berwaldhallen à Stockholm, l’Auditorium National de Musique de Madrid, le Tokyo Opera City et lors de grands festivals tels que celui de Radio-France à Montpellier, les Rencontres Musicales d’Evian, la Mozartwoche à Salzbourg ou encore le festival mostly Mozart à New York.
Il a été chef du Jeune Chœur de Paris de 2017 à 2024 et chef principal du Chœur de l’Orchestre de Paris entre 2022 et 2023. Il est nommé chef du Chœur de la Radio Suédoise en 2019, directeur musical de l’Orchestre Colonne en septembre 2022, de l’Orchestre Symphonique du Monténégro en 2023 et du Choeur de la Radio et Télévision Espagnole RTVE en 2024.
Passionné par la pédagogie, il est professeur de direction au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris et au Pôle Supérieur Paris Boulogne Billancourt.
La soprano franco-allemande Camille Schnoor est née en 1986 à Nice. Louée pour son « jeu stupéfiant et son chant puissant et fascinant » (FAZ), elle a remporté le prix de la culture de Bavière pour les arts de la scène en 2020 ainsi que le concours international Vokal Genial en 2013. Le grand quotidien allemand Die Welt l’a nommée en 2016 à la fois « meilleure chanteuse » et « meilleur espoir ».
Au cours de la saison 2024/2025, Camille Schnoor fera ses débuts à l’Opéra National de Bordeaux et à l’Opéra comique de Paris avec la création mondiale Les Sentinelles, elle chantera à nouveau Hanna Glawari(The merry Widow) au Staatstheater am Gärtnerplatz München, elle participera à l’enregistrement d’un nouveau CD d’Amy Beach avec le Münchner Symphoniker, elle chantera Wagner et Saint-Saens avec l’Orchestre Colonne et la Salle Gaveau à Paris et fera ses débuts à l’Opéra de Marseille (Rusalka).
Durant l’été 2024, Camille Schnoor se présente au prestigieux festival d’été Chorégies d’Orange dans l’émission Live TV « Musiques en fête » avec des airs et ensembles de Madama Butterfly, La Bohème et Faust, et fait ses débuts à l’Opéra de Lille dans le rôle de Rosalinde (die Fledermaus).
Les temps forts des saisons passées ont été entre autres ses débuts au Bayreuther Festspiele sous la direction de Pablo Heras-Casado (Parsifal), la Princesse étrangère (Rusalka) et Hanna Glawari(La Veuve joyeuse) à l’Opéra de Nice, Ciò-Ciò-San (Madama Butterfly) à Limoges, Rouen et Vichy, Heidenheim, Ariane (Ariadne auf Naxos) à Limoges et à l’Opéra d’État hongrois de Budapest, Mimì (La Bohème) à Munich, Aix-la-Chapelle et Klosterneuburg, ses débuts à l’Elbphilharmonie avec les dernières Ballades de Schumann sous la direction de Laurence Equilbey, et ses débuts en tant que Marschallin (Der Rosenkavalier) en concert à Genève.
En 2019, elle fait ses débuts dans le rôle de Fiordiligi (Così fan tutte) à l’Opéra de Bergen en Norvège, ainsi que ses débuts à l’Opéra national de Lorraine dans le rôle de Hilda (Sigurd de Reyer). Ses débuts à Ciò-Ciò-San en 2018 (Madama Butterfly) à l’Opéra de Limoges et à l’Opéra de Rouen Normandie ont été très bien accueillis par le public et la critique, et la production a été diffusée à plusieurs reprises à la télévision française.
De 2016 à 2023, Camille Schnoor a été soliste principale au Staatstheater am Gärtnerplatz à Munich et y a chanté de nombreux rôles principaux de son répertoire, notamment Donna Elvira (Don Giovanni), Fiordiligi (Così fan tutte), Mimì (La Bohème), Tatyana (Eugène Onéguine), Hanna Glawari (La Veuve joyeuse), Antonia et Giulietta (Les Contes d’Hoffmann).
Elle a travaillé avec les chefs d’orchestre Pablo Heras-Casado, Frédéric Chaslin, Christian Arming, Laurence Equilbey, Daniel Kawka, Erik Nielson et avec les metteurs en scène Stefano Poda, Laurent Pelly, Joan Anton Rechi, Michel Fau et Josef E. Köpplinger.
Son premier album solo » Les Ames Naturelles » est sorti en 2022 sur le label Klarthe. L’enregistrement live du Parsifal de Bayreuth sortira en juin 2024 chez Deutsche Grammophon en CD et DVD.
Camille Schnoor termine ses études musicales au Conservatoire national supérieur de Paris (CNSM) en 2007 en tant que pianiste concertiste, avant d’étudier le chant à Paris et à Maastricht. Elle fait ses premiers pas sur la scène lyrique en 2012-2013 en tant que lauréate boursière du théâtre d’Aix-la-Chapelle, avant d’en rejoindre la troupe de 2014 à 2016 et d’y interpréter Luisa (Luisa Miller), le Requiem de Verdi, Marie dans La Fiancée Vendue de Smetana, Agathe (Der Freischütz) et Maria (West Side Story).