Programme DE SALLE

LA VEUVE JOYEUSE

Dimanche 10 mars 2024 · 16h00
Mardi 12 mars 2024 · 20h00
Mercredi 13 mars 2024 · 20h00
Salle Colonne

Bannière pour l'opérette La Veuve Joyeuse du 10/03/2024, 12/03/2024 et 13/03/2024

PROGRAMME

Franz LEHÁR (arr. Daniel JAMES)

La Veuve Joyeuse

 
Durée : 3h (2 entractes)
 

DISTRIBUTION

Hanna Glawari                 Lisa Bensimhon

Danilo Danilowitsch        Ulysse Timoteo / Alexandre Munsch

Baron Mirko                      Angelo Heck

Valencienne                      Valentine Bacquet / Céleste Pinel

Camille de Rosillon          Boris Mvuezolo

Vicomte Cascada             Grégoire Mary

Raoul de St.Brioche         Nolo Calage

Bogdagowistch                Felix Orthmann Reichenbach

Sylviane                              Fiona Vandenbesselaer

Kromow                             Arwen Tanguy

Olga                                    Héloïse Venayre

Pritschitsch                        Arthur Dougha

Praskovia                           Mathilde Marin

Njegus                                Yann Salaun

Lolo                                     Estere Pogina / Anaïs Carde

Fanchon                             Kristina Perkovic

Suzon                                  Fiona Vandenbesselaer

Chonchon                          Héloïse Venayre / Clélia Horvat

Ninon                                 Léa Hassoun

Lison                                   Mathilde Marin

Toinon                                Fantine Sevic / Eve Nikolaïdis

Serveuses                          Lila Brisset-Sylla & Léa Hassoun

 

Invités

Anaïs Carde, Paul Germanaz, Gabrielle Godin Duthoit,

Clémence Hausemann, Clélia Horvat, Jules Jovignot,

Marc Éden Lemaire, Mathilde Marin, Alexandre Martin,

Eve Nikolaïsdis, Samuel Nouet, Kristina Perkovic, Mona Rossi,

Alexandre Selvestrel, Fantine Sevic, Fiona Vandenbesselaer,

Louise Vandenhole, Héloïse Venayre

 

Florence GUIGNOLET · mise en scène
Agnès ROUQUETTE & Stéphane PETITJEAN · chefs de chant
Doris LAMPRECHT · coach allemand

 

Orchestre Colonne

Pierre-Louis de LAPORTE · direction

PRÉSENTATION

 

Affiche du film de Ernst Lubitsch (1934), avec Jeanette MacDonald et Maurice Chevalier

Un succès hors norme       

            Commençons par une petite devinette : quel est le comble, disons l’improbable, pour une œuvre musicale ?…

Réponse : devenir un film muet !

De nos jours, une telle plaisanterie semble ridicule, voire outrancière. Et pourtant !… Dès ses débuts, le cinéma s’est abondamment penché sur le répertoire lyrique, portant à l’écran les succès chéris des mélomanes. Ainsi, signe évident d’une popularité remarquable, la Veuve Joyeuse (créée le 30 décembre 1905 à Vienne) connût par 2 fois les honneurs du cinéma muet.

En tout, on ne dénombre pas moins de 5 adaptations cinématographiques de cette opérette de Franz Lehár. La première – muette donc – vit le jour en 1918 sous le titre « A Víg özvegy », et fut tournée par le réalisateur hongrois Michael Curtiz. En 1925, ce fut au tour de Erich von Stroheim de réaliser une Veuve Joyeuse, toujours muette, réunissant deux vedettes imposées par la MGM (Maë Murray et John Gilbert). Précisons qu’il faut regarder l’œuvre de von Stroheim avec une certaine distance, les 2 tiers du film s’écartant de la trame de l’opérette pour nous plonger dans un passé tragique où les deux personnages principaux accumulent de tristes aventures : ici, l’œuvre de Lehár n’est pas le centre du film, mais plutôt une manière de conclusion à des développements intimement liés à la personnalité du réalisateur.

L’année 1934 offre la 1ère version sonore de Veuve Joyeuse, proposant une magnifique (et fidèle) transposition de l’œuvre originale, où rayonnent – sous la réalisation étourdissante de Lubitsch – la splendide Jeanette MacDonald et notre irrésistible Maurice Chevalier national. Deux autres versions verront encore le jour : celle de Curtis Bernhardt (1952), puis celle de l’allemand Werner Jacobs (1962).

A ce seul parcours cinématographique, on réalise à quel point la Veuve Joyeuse fut (et demeure encore) l’un des plus fabuleux succès que connût le monde de l’opérette.

Film muet de Erich von Stroheim (1925)

L’intrigue

Mais quelle est donc la trame narrative de ce divertissement qui a tant fasciné le monde entier ?

L’intrigue, en elle-même, est très simple, et peut se résumer en une phrase : deux (anciens) amants se retrouvent au bout de plusieurs années et, visiblement troublés par ces retrouvailles, finiront par convoler en justes noces.

Les méandres de l’action, eux, s’avèrent un peu plus complexes, accumulant délicieux quiproquos et situations cocasses : il se trouve que Hanna Glawari (Missia Palmieri dans la version française) est une veuve encore jeune, immensément riche, et pas franchement désolée de son veuvage (d’où le titre de l’ouvrage)… Lors d’une soirée à l’ambassade parisienne du Pontevedro (pays imaginaire, fortement inspiré du Montenegro), elle se voit courtisée par une meute de prétendants (l’un d’eux confie en aparté : « Vue de dot, elle est irrésistible ! ») jusqu’à l’arrivée d’un personnage un peu éméché mais qu’elle reconnaît immédiatement : il s’agit du Prince Danilo, lequel fut autrefois son amant. Danilo, qui arrive tout droit du restaurant « Maxim’s », reconnaît lui aussi son ancienne maîtresse… et pour cause : on lui a confié la mission de séduire à nouveau Hanna, de l’épouser, et d’éviter ainsi que la fortune de la riche héritière puisse quitter le Pontevedro.

Danilo, réticent à toute idée de mariage, refuse la mission. Et puis… il conserve encore une certaine aigreur envers son ancienne maîtresse, laquelle l’avait quitté pour épouser le banquier Glawari. Cependant, s’il repousse la perspective d’épouser Hanna, il promet au moins de faire le vide autour d’elle, c’est-à-dire d’éloigner tous les prétendants.

Le 2ème acte nous transporte dans la demeure de Hanna, toujours à Paris. Le rideau s’ouvre sur un moment magique : la riche héritière pontévédrine chante un lied de son pays, sublime, narrant l’histoire de la fée Vilja. Puis, surgit une galerie de personnages déjà rencontrés au 1er acte, poursuivant toujours Hanna de leurs assiduités. Danilo, mentant un peu par-ci, calomniant un peu par-là, parvient à les décourager : pour se consoler, tous ces prétendants entonnent un septuor débridé (l’une des plus célèbres pages de la partition) où ils proclament leur fascination pour la gente féminine.

Parmi tous ces personnages, il en est un qui retient notre attention : Camille de Rosillon (Camille de Coutançon dans la version française). Il est amoureux de Valencienne (Nadia dans la version française), mais… un obstacle de taille se présente à lui : Valencienne entend rester une femme vertueuse, fidèle à son mari. Et elle peine à se débarrasser de son soupirant… Elle accepte malgré tout de suivre Camille dans un petit pavillon du jardin, un lieu tranquille, à seule fin de raisonner son jeune amoureux et l’amener à porter ailleurs ses regards enflammés. Mais son mari, l’ambassadeur Zeta, l’a vu s’engouffrer dans le pavillon avec Camille… Fou de rage, il ameute l’ensemble des convives et exige que l’on ouvre les portes de ce fameux pavillon. A la surprise générale, c’est Hanna – et non Valencienne – qui en sort accompagnée de Camille !… Zeta ne comprend plus rien (Hanna, ayant repéré le danger, s’était discrètement substitué à Valencienne), et Danilo se surprend à être jaloux : il est donc toujours amoureux de son ancienne maîtresse…

Le 3ème acte nous convie dans un haut lieu de la capitale, que Danilo surnomme lui-même son « Quartier général », à savoir le restaurant « Chez Maxim’s ». Là, grisettes, femmes légères et hommes enjoués nous rappellent que l’esprit d’Offenbach n’est pas loin… Voilà Paris, dans toute son insolente insouciance.

Pour une fois, Danilo est resté (relativement) sobre : le souvenir de Hanna sortant du pavillon avec Camille de Rosillon l’obsède encore. Précisément, la belle héritière fait son entrée. Au terme d’une discussion un peu serrée, évoquant le passé, l’épisode du pavillon (Hanna révèle à Danilo la substitution qu’elle a opérée pour sauver l’honneur d’une femme mariée), et même l’avenir, Danilo rend les armes et ose dire à son ancienne maîtresse qu’il l’aime encore aujourd’hui. Hanna, de son côté, ne peut que formuler le même aveu.

Tout finit ainsi dans l’allégresse : les anciens amants deviendront mari et femme, pour le plus grand bonheur de l’ambassadeur Zeta qui – désormais – peut être assuré que les millions de la riche veuve resteront bien au chaud dans la banque du Pontevedro !

Franz Lehár (vers 1907)

Une partition sous influences

Personne n’a jamais demandé à une opérette, ou à une comédie musicale, de s’appuyer sur un sujet théâtralement fouillé (les scénarios de Vie Parisienne ou de Chauve-Souris sont également de purs divertissements). Mais reconnaissons que l’argument de Veuve Joyeuse – basé sur une pièce française de Henri Meilhac (« L’attaché d’ambassade »), créée à Paris en 1861, lequel Meilhac s’associera plus tard avec Ludovic Halevy pour donner à Offenbach les livrets de la Belle Hélène, la Vie Parisienne, la Périchole, etc… – est tout de même assez mince, avec des personnages très stéréotypés (Danilo mis à part) et une superficialité qui s’embourbe parfois dans le bavardage (le dernier tiers du 1er acte !). Malgré cet écueil, ou peut-être grâce à cette simplicité rudimentaire, Lehár sut concocter une partition éblouissante dans laquelle les rythmes de danse abondent, et dans laquelle se mêlent diverses influences : celle du vénéré Offenbach (particulièrement visible durant tout le début du 3ème acte), celle de la valse viennoise (naturellement), celle enfin des musiques traditionnelles tchèques et hongroises (le Lied de Vilja au début du 2ème acte, la danse du « kolo », nombre de polkas et mazurkas qui traversent l’œuvre entière, à commencer par la petite polka introductive qui ouvre le 1er acte). Parfois, ces influences vont jusqu’à se superposer : la célèbre valse lente « Heure exquise » (de style viennois), laquelle unit Hanna à Danilo à la fin du 3ème acte, provient directement du refrain du Lied de Vilja (d’influence – lui – clairement morave). C’est cet enchevêtrement de styles variés qui confère à l’œuvre son originalité singulière, sa richesse toujours renouvelée qui entretient – et accroît – l’attention du public jusqu’au dénouement final.

Il ne faut pas oublier que Franz Lehár – né Ferenc Lehár – a vu le jour à Komárom, en territoire hongrois. Ainsi, le hongrois est sa langue maternelle, et la culture hongroise sa référence première. En 1882, à l’âge de 12 ans, il entre au Conservatoire de Prague pour étudier le violon, et prend également des leçons privées auprès de Zdeněk Fibich pour étudier la composition. Là, c’est toute la richesse de la musique tchèque qui lui est soudainement dévoilée. Dvořák, impressionné par le talent prometteur du jeune garçon, le poussera déjà à s’orienter vers la composition. Ayant obtenu ses diplômes en 1888, le jeune Lehár quitte Prague pour aller s’installer à Vienne et entrer dans l’orchestre de son père (lequel était chef d’orchestre militaire au sein de l’armée austro-hongroise). Profitant de cette position, Franz Lehár débute alors une carrière de chef d’orchestre assistant. Ses différentes affectations le mèneront à Trieste et Budapest (lui offrant de nouvelles occasions d’élargir sa palette musicale), mais il choisit finalement de revenir à Vienne et de quitter l’armée pour se consacrer exclusivement à la musique… non militaire. En 1902, il compose une opérette qui aura un certain retentissement (Wiener Frauen), écrit la valse Gold und Silber (clairement héritée du style de Johann Strauss, et encore célèbre de nos jours), et se voit nommé chef d’orchestre au prestigieux Theater an der Wien.

En 1904, les librettistes Victor Léon et Leo Stein, peu satisfaits des pages écrites par Heuberger (un compositeur alors en vue, mandaté pour composer la Veuve Joyeuse), s’empressent de porter leur texte à Franz Lehár pour lui demander de reprendre le flambeau et d’écrire la musique. Séduit par le sujet, issu donc de la pièce de Meilhac, Lehár accepte la proposition, offrant la jeunesse débridée de sa plume pour parer cette Veuve Joyeuse d’un éclat et d’une verve qui enthousiasmeront le monde entier.

Créée en 1905 à Vienne, l’œuvre sera reprise à Hambourg et Berlin en 1906, puis se répandra comme une traînée de poudre à travers les continents, conquérant Buenos Aires dès 1907, mais aussi Milan, Londres, New York… Tous les cœurs sont séduits, y compris Gustav et Alma Mahler qui tombèrent amoureux fou de cette musique. En 1909, lorsque la Veuve Joyeuse arrive enfin à Paris, on compte déjà plus de 20 000 représentations à travers le monde !

Les années qui suivirent n’offrent aucun intérêt documentaire marquant (les ouvrages s’enchaînant les uns derrière les autres), et il n’est nul besoin de s’y appesantir. Le plus intéressant, lorsque l’on se penche sur la vie de Lehár, est bien la période que nous venons de décrire : celle de sa jeunesse marquée par ses origines hongroises, ses études en territoire tchèque, ses voyages en Italie et ailleurs, qui forgeront l’originalité de son style comme la brillance de son langage harmonique.

Franz Lehár

En conclusion

Seuls deux événements, prenant place dans les années de maturité du compositeur, méritent d’être mentionnés :

1/ On peut lire, sous certaines plumes, que Franz Lehár a été un sympathisant du régime nazi (on peut lire de semblables affirmations concernant le compositeur Carl Orff).

Rien n’est plus faux.

Franz Lehár n’a jamais été un sympathisant du IIIème Reich (Carl Orff non plus, d’ailleurs. Rappelons simplement que sa célébrissime cantate Carmina Burana, mâtinée de rythmes africains, d’influences jazzy et autres joyeusetés mises à l’index par le IIIème Reich, scandalisait les dignitaires nazis qui déployèrent toute leur influence – mais en vain – pour que l’œuvre ne soit jamais rejouée).

Concernant Franz Lehár, il faut rappeler que celui-ci ne craignait pas d’avoir régulièrement recours à des librettistes juifs, y compris après l’apparition des premières lois antisémites de 1933.

Par ailleurs, la femme de Lehár était d’origine juive. Elle a même failli être déportée, ne devant son salut qu’à l’intervention d’Albert Göring (frère de Hermann Göring et farouche opposant au régime nazi).

Enfin, selon des documents d’époque, il semblerait que Franz Lehár ait utilisé sa notoriété pour essayer de sauver l’un de ses librettistes (Fritz Löhner) de la déportation. Hélas, sans succès.

En réalité, Lehár eut le malheur de voir sa musique très appréciée par Adolf Hitler (particulièrement la Veuve Joyeuse). Mais… qu’y pouvait-il ?

2/ Autre fait notable (musical, celui-là) : Franz Lehár s’était lié d’amitié avec Puccini. Une belle amitié qui se doublait d’une sincère admiration réciproque. A tel point que l’un et l’autre se communiquaient les esquisses de leurs travaux en cours, se permettant même de formuler des suggestions.

Un seul exemple : au moment où Lehár compose La Jacquette Jaune (qui deviendra en 1929, profondément remaniée, Le Pays du Sourire), Puccini – lui – jette toutes ses forces dans l’écriture de Turandot. Et, comme d’habitude, une correspondance régulière augmentée de feuilles de musique circule entre les deux amis (d’autant que Turandot et la Jacquette Jaune / Pays du Sourire se déroulent tous deux en Chine, avec citations – ou simple inspiration – de thèmes traditionnels chinois).

Lehár s’est-il permis de suggérer quelques idées à propos de Turandot ? Je l’ignore… Par contre, on sait que Puccini proposa quelques modifications dans les esquisses du Pays du Sourire envoyées par Lehár. Ainsi, ça et là, et sans que les mélomanes le sachent vraiment, l’œuvre de Lehár porte la trace de la main amicale de Puccini.

Jean-Noël Ferrel

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